Le grand spectacle de la dernière campagne électorale en RDC

Article : Le grand spectacle de la dernière campagne électorale en RDC
Crédit: Daniel Alloterhembi (compte Facebook)
19 décembre 2023

Le grand spectacle de la dernière campagne électorale en RDC

Depuis le coup d’envoi le 19 novembre dernier, le rideau tombe sur un mois de campagne électorale effervescent en RDC. Elle a été marquée par l’arrivée de candidats improvistes au scrutin présidentiel à la recherche de salaire pour ceux se présentant au poste de député national. Avec 44 millions d’électeurs en piste, cette danse politique a captivé l’attention dans un pays de 2,3 millions de km², bien souvent dépourvu d’infrastructures.

Figures centrales et dualité

La campagne présidentielle a pivoté entre quatre grandes figures : d’un côté, Félix Tshisekedi, en quête de réélection, orchestrant une campagne médiatisée. De l’autre, l’opposition, avec Moïse Katumbi, le magnat du TP Mazembe, qui a opté pour une proximité en critiquant le bilan de la « team Tshisekedi ». Une dualité qui a transformé la fin de la campagne en une véritable saga, marquée par des polémiques inattendues. Martin Fayulu, amer depuis sa défaite en 2018, et le discret Dr. Mukwege complètent le tableau politique.

La danse des ralliements a animé la campagne, passant de 26 prétendants à une troupe joyeuse de 19 candidats. Sept d’entre eux ont fait une pirouette hors de la course, applaudissant soit le président en titre, Félix Tshisekedi, soit l’opposant Moïse Katumbi. Du côté de l’opposition, l’harmonie espérée s’est transformée en cacophonie.

Les enjeux nationaux, entre la nationalité douteuse (loi sur la congolité) et la vie sociale de la population, ont oscillé entre les mains des politiciens électoralistes préférant le populisme aux grandes problématiques attendues.

Cette campagne a permis d’en apprendre bien davantage sur la personnalité des candidats que sur leurs programmes.

Le spectacle dans les rues chez les candidats députés

Dans les rues, les candidats députés ont rivalisé d’ingéniosité. Les panneaux se sont entremêlés, créant un tableau coloré, certains allant jusqu’à distribuer des préservatifs estampillés à leur effigie. Un geste aussi insolite que symbolique dans l’effervescence de la campagne à la congolaise.

Les électeurs, en quête de cadeaux avant de donner leur voix, ont transformé les discours en pillages, s’attendant désespérément à une quantité de sel, sucre et pagnes. Ils ont pillé les chaises à la place. C’était une fête à la veille des festivités de Nativité, où la politique se mêlait à la joie des présents, enterrant le vote guidé par la vraie idéologie politique.

Dans la campagne récente, l’atmosphère était singulière : dès le début, les projets n’étaient pas nettement définis, les rassemblements étaient en marche, tout était axé sur la bataille politique des mots et des coups.

Face à la population congolaise, dont les deux tiers sont plongés dans la pauvreté malgré les vastes richesses géologiques du pays, tous les candidats ont formulé des engagements plus ou moins similaires à ceux de ses concurrents au cours de la campagne électorale : garantir la paix, créer des opportunités d’emploi, développer les infrastructures routières, éducatives et médicales.

Actuellement, c’est une configuration nouvelle avec des électeurs très hésitants, une indécision qui risque de perdurer jusqu’au 20 décembre, jour des élections présidentielles, législatives et locales.

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Feux en ligne et sur le terrain

L’utilisation des réseaux sociaux a ajouté une touche contemporaine à cette danse politique. Entre insultes, faux sondages et faux documents circulant, la campagne a pris des allures de spectacle atypique, éloigné des actions concrètes.

Pendant cette campagne, une génération politique a été secouée par une véritable « marée de ‘dégagisme' » qui transparaît entre les lignes.

Les préoccupations étaient nombreuses face aux « discours de haine » exprimés au cours de la campagne électorale, accroissant ainsi les risques de violences entre les électeurs. La responsable de la Monusco, Bintou Keita, a partagé sur X son inquiétude face à ce genre de discours et à l’escalade potentielle de la violence.

Cette campagne a été comme un feuilleton à suspense, avec une tension électrique et des péripéties entre les partisans des différents candidats. Il y a presque eu des événements tous les jours, certains plus cocasses que d’autres, mais tous laissant entendre que l’atmosphère est un tantinet survoltée.

Un exemple marquant : les partisans de l’UDPS de Félix Tshisekedi ont mis le feu aux poudres (et aux véhicules) à Lubumbashi pour manifester leur désaccord avec la campagne de Moïse Katumbi.

C’était presque comme un spectacle pyrotechnique, mais avec une touche politique. Et comme si cela ne suffisait pas, d’autres rebondissements ont égayé la scène à Muanda, le 12 décembre, avec des opposants manifestant leur mécontentement au meeting de Katumbi.

Dans une séquence digne d’un script extravagant, le 28 novembre, un membre éminent du parti de Moïse Katumbi, Ensemble pour la République (EPR), a perdu la vie lors de heurts entre les partisans de l’EPR et de l’UDPS, pendant un meeting du candidat à Kindu, dans le Maniema.

Et pour couronner le tout, les partisans de Fayulu, le malchanceux de la dernière élection, ont organisé une véritable bataille rangée avec ceux de Félix dans le district de Tshangu à Kinshasa.

Le candidat à la présidentielle Franck Diongo a été au centre d’un épisode comique récemment diffusé sur les réseaux sociaux. Alors qu’il a été filmé en train d’arracher les affiches d’autres candidats, justifié par des représailles contre la destruction de ses propres banderoles, cet allié de Moïse Katumbi était obligé quelques heures plus tard de se retirer stratégiquement dans une église. Il a été à nouveau filmé, contraint d’adresser des excuses à Félix Tshisekedi par des jeunes se réclamant de la « Force du progrès », affiliée au parti au pouvoir.

L’intérieur de l’église est devenu le théâtre du chaos après cette rencontre. Une véritable farce au sein de la campagne électorale.

Martin Fayulu et Denis Mukwege, opposants notables, ont formulé des accusations selon lesquelles le gouvernement aurait ordonné la réquisition des réserves de carburant dans tous les aéroports, entravant ainsi la campagne de leurs adversaires.

On pourrait presque penser qu’on assiste à une pièce de théâtre politique, mais non, c’est la réalité étonnante de cette campagne électorale 2023 !

Reste à voir si les électeurs, après avoir festoyé aux promesses et aux cadeaux, se lèveront une quatrième fois pour danser avec leur bulletin de vote. Une ultime danse politique qui conclut cette année électorale en RDC.

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