Permis de construire : acte générateur des recettes simplement ?

Étant un initié dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, la construction en générale et particulièrement celle de mon pays m’intéresse beaucoup. En RDC, le besoin en construction est énorme vu la grande superficie et population qu’elle regorge.
Prenons le cas de la ville de Kinshasa où je vis. A cause de l’exode rural ( la majorité des personnes viennent vivre en ville) et le taux de croissance de la population évalué à 4,3%/année , les besoins en infrastructures et logement priment aux yeux de la population. Comprenant l’enjeu de la question, cette dernière tente de répondre de sa façon.
Mais fort malheureusement, la réponse donnée à cette question apporte plus des problèmes que des solutions. Il s’agit de la construction anarchique.
La construction anarchique se définit comme étant un phénomène où les constructions sont faites sans réglementation. Les maîtres d’ouvrages étant au centre de leurs projets et la nature humaine liée à la liberté excessive font en sorte qu’ils construisent quand ils veulent, où ils veulent et de la manière qu’ils veulent. Chose qui n’a pas sa place à ce 21ieme siècle où le secteur de construction a largement évolué sur ses filières ( Urbanisme, Architecture, Ingénierie,…). Tout cela démontre noir sur blanc que nous avons besoin d’une commission de réglementation dans ce domaine de construction.
Chose étonnante, cette commission existe aussi chez nous et elle est gérée par le ministère de l’urbanisme et de l’habitat ( en collaboration avec le ministère des affaires foncières) qui a pour mission d’autoriser ou pas l’exécution des travaux de construction. Cela qu’intervient le permis de construire.
Permis de construire : c’est quoi ?
Le permis de construire est un acte juridique et administratif obligatoire qui autorise à toute personne ( physique ou morale, public ou privée) d’ériger une construction ( Bâtiments, pylônes, routes, ponts,…) dans le respect des textes légaux et réglementaires.
Détenant le monopole de la délivrance des permis de construire (l’Etat congolais), comment se fait-il que nous arrivions à une explosion des constructions anarchiques ? Par cette question, nous commençons à douter de la mission proprement dite de ce document qui vise l’ordre.
Devrait-il être un simple acte générateur des recettes pour le trésor public ? La réponse est NON à cette deuxième question car les conséquences qui en découlent comme, les inondations, les érosions, les ensablement, les effondrements des bâtiments, et bien d’autres sont plus tristes.
Pour la première question celle d’expliquer l’existence de ce phénomène bien que nous avons des autorités régulatrices en la matière, notre observation soulève 5 grands problèmes.
1) L’autorité administrative manque des référentiels de conformité.
Ceci qui crée un vide juridique c-a-d une insuffisance des réglementations. Signalons que nous avons hérité d’un code d’urbanisme datant de l’époque coloniale ( 1957) qui ne parvient même plus à répondre aux besoins actuels. Par exemple, Kinshasa comptais plus ou moins 400 000 habitants à 1960. Mais aujourd’hui nous sommes à plus de 12,5 millions d’habitants (2017). Avec un taux de croissance de 4,3%/an, on projette une augmentation de 8,5 millions d’ici 2030. Le pays n’a pas un code de construction en générale, pas un code du bâtiment, des plans d’urbanisme très vieux. Comprenant ce grand vide les autorités s’appuient sur les arrêtés ministériels et interministériels.
Sur ce, le ministère doit mettre à la disposition de la commission technique d’analyse des dossiers de référentiels plus adaptés à la situation actuelle, pour espérer un très bon jugement de la part de cette commission. Par exemple l’adoption du nouveau code d’urbanisme.
2) La descente sur terrain des agents pour la vérification de la faisabilité des plans proposés n’est pas bien encadrée.
Nous constatons que certains dossiers sont traités et répondus favorablement sans avoir eu une descente sur terrain des agents. D’autres agents se présentent sans ordre de mission. D’autres encore perçoivent l’argent sur le dos de demandeurs( frais de terrain 臘)
Tout cela ne favorise pas un bon rendement. Le demandeur prenant en charge ce frais de terrain peut influencer le rapport produit par ces agents.
Il serait bien que tous ces frais soient inclus dans la taxe à payer à la banque. Les autorités doivent s’arranger pour organiser des descentes pleines d’exigences pour avoir des procès verbaux riches en données, qui permettront à la commission technique d’analyse des dossiers de prendre des bonnes décisions.
3) Problème d’inspection lors de la réalisation.
L’article 15 de l’arrêté ministériel N°CAB/MIN-A TUHITPR/007/2013 du 26 juin 2013 portant réglementation de l’octroi du permis de construire en République démocratique du Congo stipule que « le service d’habitat est tenu de s’assurer du respect des normes dans l’exécution des travaux selon le règle de l’art et les plans validés par la commission technique d’analyse » . Voilà pourquoi il est de son devoir d’organiser une inspection régulière des différents chantiers autorisés. Opération très rare chez nous. C’est quelque chose à prendre au grand sérieux car le ministère de l’urbanisme et de l’habitat est tenu à remettre un certificat de conformité au maître d’ouvrage à la fin des travaux ( Conformément à l’article 18 du même arrêté ministériel).
4) Problème de gestion foncière
Nous constatons de cas où les gens obtiennent des permis de construire sans titres immobiliers, D’autres avec des titres immobiliers des endroits non autorisés pour la construction ( usage de l’ouvrage contraire à la vocation de la zone, des zones à risques, les concessions des institutions publiques ou privées,…). A la base, ce sont les chefs coutumiers qui vendent des terres de la mauvaise façon. Phénomène très courant face auquel l’Etat reste presque muet. Si l’Etat congolais reconnaît ces chefs coutumiers comme étant des propriétaires de ces terres, qu’il reglementes la vente.
L’Etat peut se référer à l’époque coloniale où les chefs coutumiers étant reconnus comme propriétaires des terres, ne vendaient celles-ci qu’à l’Etat qui à son tour va urbaniser la partie avec l’appui des professionnels et les vendre ou les céder en fonction de sa vocation.
Sur ce problème de gestion foncière, nous accusons aussi les conservateurs des titres immobiliers, qui remettent à la population des documents même pour les endroits non appropriés. Il suffit que le monsieur se présente avec l’acte vente signé par un chef coutumier et différents frais liés aux documents, l’affaire est réglée.
Nous souhaitons que les actes posés par les conservateurs des titres immobiliers soient pénalisés.
5) La qualification et la compétence du requérant.
Le dossier pour la demande du permis de construire est composé de deux parties. La partie administrative et la partie technique. Le maître d’ouvrage peut lui-même entreprendre la procédure d’octroi du permis de construire. Avec ce point nous soulignons la personne qui doit contresigner les documents techniques à proposer. Ces dossiers étant techniques, les personnes qui vont contresigner doivent être qualifiées, immatriculées et agréés. Parmi ces intervenants nous citons l’ingénieur BTP. Je profite pour plaider sur l’ordre national des ingénieurs BTP qui jusqu’alors pose problème dans notre pays. Un grand axe pour la lutte contre les constructions anarchiques.
Ces personnes bien que qualifiées, doivent être compétentes car les arrêtés prévoient des blâmes à ceux qui auront cautionnés la construction en violant les prescriptions d’urbanisme, sans permis de construire, sur une zone non aedificandi, sur terrain à usage public ou domaine public de l’Etat, sur une servitude d’utilité publique prévue par le plan d’aménagement.
Le Congo a urgemment besoin du sérieux dans ce domaine
Certes, toutes ces réalités développées le long de ce texte, nous font comprendre que les constructions anarchiques sont des solutions inefficaces face à ce besoin de logements vu les dégâts qu’elles produisent. Nous avons compris aussi que l’Etat Congolais a une grande responsabilité sur ce désordre car le pouvoir d’autoriser ou pas la réalisation d’une construction par la délivrance du permis de construire lui revient. Malheureusement ce document perd son sens, sa mission. Tout cela, est un manque à gagner et un déshonneur, surtout lors des dégâts qui en découlent, pour les professionnels de la construction ( architecte, Ingénieur BTP, Urbaniste,…) et les autorités régulatrices. Voilà pourquoi par ce texte nous montrons notre mécontentement et nous demandons une suite favorable à nos réclamation à l’autorité compétente pour l’amélioration des conditions de vie de la population sur ce domaine.
Cette publication peut être explicitée ou contredite. C’est juste le fruit d’une observation et des recherches d’un initié du domaine de BTP que je suis.
Par Diowo Koso Donbeni
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