Emmanuel Macron giflé : et si s’était un africain ?

Article : Emmanuel Macron giflé : et si s’était un africain ?
Crédit: Wikimedia Commons
9 juin 2021

Emmanuel Macron giflé : et si s’était un africain ?

Dans un extrait viral qui circule en boucle sur les réseaux sociaux, le président Macron a reçu une gifle de la part d’un jeune homme dans la Drôme. l’Elysée tente de relativiser les faits évoquant une « tentative de gifle »(c’est l’expression que nous allons aussi adopter).

Tentative ou pas, dans cette vidéo authentifiée par l’Elysée, nous avons tous vu le président venir en courant vers une foule, derrière les barrières, qui semblait l’attendre. Il a échangé quelques seconde avec un homme portant un T-shirt vert, qui a ensuite saisi la main droite de Macron avant de « tenter » sa gifle.

Juste avant la gifle, il a hurlé le cri de guerre royaliste « Montjoie Saint-Denis ! », ainsi que « À bas la Macronie » (l’Académie Française devrait l’introduire dans son prochain dictionnaire).

Il a vite été immobilisé par les gardes du président. Dans les médias, on parle déjà « de trois ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende » pour les violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ayant entraîné aucune incapacité de travail.

Quelques minutes avant le passage de Macron, l’auteur de la gifle est resté en retrait, sans rien dire, pendant que le journaliste Paul Larrouturou du « Quotidien » les interviewait. Sûrement que cet originaire de la commune de Saint-Vallier, et adepte des arts martiaux historiques européens, serait en train de ruminer l’ampleur de son acte.

La condamnation future de « ce maître des gifles » est unanimement saluée. Malgré les moqueries des uns et des autres, nous sommes presque tous d’accord sur une chose. « Cet individu mérite une correction », il a humilié la République.

Voyant ce scénario, je me suis donné une vision générale à l’africaine. Nous allons tout reprendre, dans tous les angles possibles, vue de Kinshasa.

Gifle sur Macron, et si l’individu était africain ?

Il est 13 h, Emmanuel Macron vient de finir sa visite au lycée hôtelier de Tain-l’Hermitage, il s’approche d’un groupe de personnes. Et là, un français, un noir, fait semblant de parler avec le président avant d’immobiliser sa main droite et « tente » de le gifler. Réaction ?

La première et la seule réaction que tout le monde chercherait à entendre, c’est celle de Marine le Pen. Elle aurait fustigé le « laxisme de l’Etat », en des termes clairs : « Ce qui se passe est révélateur d’années de laxisme, de mollesse, par rapport aux principes, aux valeurs, par rapport à la protection qu’un Etat doit incarner. Il y a un besoin de clarté, de bon sens. Il y a un besoin d’autorité. »

Et avec virulence, « l’intégration » recevrait un coup de massue. Avec un discours de campagne, elle tweeterait, « Une fois au pouvoir, je mettrais à la porte tous les intégristes étrangers. Tous ! On les connaît très bien. »

L’identité de la personne n’est pas encore très connue. Mais ce qui est évident, ce n’est pas un noir. La fervente opposante au chef de l’Etat, Marine Le Pen, patronne du RN, a rapidement réagi et a simplement condamné cet acte. « Si le débat démocratique peut être âpre, il ne saurait en aucun cas tolérer la violence physique. Je condamne fermement l’agression physique intolérable qui a visé le président de la République », a-t-elle écrit sur Twitter.

C’est sans couleur politique que les condamnations ont fusé sur la toile. Et une indignation générale de la classe politique française.

Et si Macron était un président africain ?

Vous savez déjà la finalité, mais récapitulons rapidement. Comme d’habitude, Macron « l’africain » s’approche du public venu l’attendre pour cogiter. En face de lui, un homme, barbu, de vert vêtu, se saisi de la main droite du président et « tente » de le gifler (Attention : avec les présidents africains, cette scène est improbable).

Première hypothèse : avec un peu de chance, l’individu recevrait des coups de poing, de pied, les crosses d’armes de la garde rapprochée. Visage défiguré, le sang saigne de partout, chemise déchirée, il se retrouverait en slip. Entre-temps, les autres personnes venues voir le président seraient en débandade. Les policiers placés pour sécuriser la foule se lanceraient dans des arrestations arbitraires et vont confisquer tout téléphone, pourvu que l’image n’apparaisse pas sur les réseaux sociaux.

Et Macron « africain » arrêterait immédiatement sa tournée. Sa jeep blindé l’amènerait loin de la foule, dans un endroit sûr.

Le cas d’Armand Tungulu (un Congolais d’une trentaine d’années qui vivait en Belgique depuis une dizaine d’années) en est la preuve. Il est décédé en détention dans des conditions suspectes, après avoir jeté une pierre contre le cortège du président Joseph Kabila le 29 septembre. Et le procès est resté sans suite.

Si pour avoir « jeté une pierre sur un cortège », quelqu’un est arrêté sans condamnation et est détenu dans des conditions inhumaines. Cerise sur le gâteau, il se retrouve mort dans des conditions floues. Ceci serait possible aussi pour la Russie de Poutine et la Corée du Nord de Kim Jong un.

Notre ami français devrait dire merci à la démocratie française qui lui réserve seulement une caution d’environ 45 000€ et peut-être une incarcération d’au moins trois mois.

Si s’était un chef d’État africain qui serait victime d’agression ou d’incivilité, une deuxième hypothèse est aussi probable. Nous ferions du « Coffin dance » (la danse joyeuse et macabre des porteurs de cercueils).

Policier qui puni les citoyens

Un de ses gardes aurait ouvert le feu sur l’agresseur du chef. Et pour défendre une telle attitude, il avancerait « la loyauté » au chef agressé comme source de sa motivation. Voilà ici l’occasion de rendre hommage aux gardes de Macron qui sont restés pros.

Inadmissible et impardonnable

Plus de mot pour qualifier ce qui s’est passé hier, mardi 8 juin. Quand je lis les commentaires sur les réseaux sociaux, ça m’étonne que certains défendent cette agression. Face à la laideur du geste, d’autres parlent de l’expression de la démocratie française. On peut avoir tous les moyens pour s’exprimer, mais gifler un chef de l’Etat, est tout sauf de la démocratie.

Notons cependant qu’Emmanuel Macron n’avait jamais été agressé physiquement depuis son arrivée à l’Élysée. Mais il a toujours vu des vertes et des pas mûres dans sa carrière politique. Ça continuera d’ailleurs. Mais on garde la position et on se joint à Damien Abad : « gifler le président, c’est gifler la République. Intolérable, inacceptable ».

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